la métamorphose du papillon

la métamorphose du papillon

Complainte de Vincent.

A Arles où roule le Rhône… Dans l'atroce lumière de midi.

Un homme de phosphore et de sang pousse une obsédante plainte comme une femme qui fait son enfant.

Et le linge devient rouge et l'homme s'enfuit en hurlant pourchassé par le soleil.

Un soleil d'un jaune strident.

Au bordel tout près du Rhône l'homme arrive comme un roi mage avec son absurde présent.

Il a le regard bleu et doux, le vrai regard lucide et fou de ceux qui donnent tout à la vie.

De ceux qui ne sont pas jaloux et montre à la pauvre enfant son oreille couchée dans le linge.

Et elle pleure sans rien comprendre songeant à de tristes présages.

L'affreux et tendre coquillage où les plaintes de l'amour mort.

Et les voix inhumaines de l'art se mêlent aux murmures de la mer et vont mourir sur le carrelage.

Dans la chambre où l'édredon rouge d'un rouge soudain éclatant mélange ce rouge si rouge au sang bien plus rouge encore

de Vincent à demi mort et sage comme l'image même.

De la misère et de l'amour l'enfant nue toute seule sans âge regarde le pauvre Vincent foudroyé par son propre orage qui s'écroule sur le carreau.

Couché dans son plus beau tableau et l'orage s'en va calmer indifférent.

En roulant devant lui ses grands tonneaux de sang l'éblouissant orage du génie de Vincent.

Et Vincent reste là dormant rêvant râlant et le soleil au-dessus du bordel.

Comme une orange folle dans un désert sans nom.

Le soleil sur Arles en hurlant tourne en rond.

 

 Paroles, 1946 Jacques PREVERT (1900-1977)

 

 

Le Champ de blé aux corbeaux.

Van Gogh Vincent en 1890.

 



28/12/2008
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 5 autres membres